Le Château des Moines

18/03/2019

Tel un chêne centenaire au milieu d'une forêt, il s'élevait majestueusement au sein du parc et des jardins qui l'entouraient. Visible des quartiers sud de Verviers et des villages avoisinants, son toit en tuiles rouges constituait un point de repère pour tous.

L'année 2017 marquait le 110ème anniversaire de la construction du Château des Moines à Stembert. Lors de sa construction, les Pères Jésuites avaient apposé un « témoin » derrière le linteau de la porte de la cuisine. Cette preuve avait été brisée lors de la démolition, elle portait la date « 1907 ». Le témoin était un flacon découvert par un voisin, M. Wynants, en fouillant les décombres laissés par les bulldozers.

Ce flacon, entouré d'un parchemin, très noirci par l'humidité, contenait une pièce de monnaie de 50 centimes à l'effigie de Sa Majesté Léopold II ; une médaille miraculeuse ; une médaille à l'effigie de Sa Sainteté Pie X, au verso l'effigie de Marie « Maria Immac » ; et une médaille, très abîmée illustrant « la Cène »

L'occasion pour nous de retracer un petit historique de ce manoir qui, jadis, a notamment suscité la curiosité des jeunes Stembertois. Ceux-ci n'hésitaient pas à braver les embûches pour mener des investigations secrètes dans la bâtisse abandonnée depuis déjà certaines années.

Tout commença en 1906, lorsque le Père Edmond Gulikers, recteur du Collège Saint-François-Xavier, eut l'idée de construire à Stembert une maison de campagne destinée aux Pères Jésuites.

Les Pères Jésuites, représentés par M. l'abbé Alfred du Pont d'Ahérée, résidant à Bruxelles, firent l'achat, le 12 octobre 1906, d'une prairie d'une superficie de 73,20 ares, sise au lieu-dit « Beaudrifontaine ». Celle-ci appartenait à M. Jean-Pierre Lemarchand, cultivateur stembertois. Cette acquisition se fit devant Maître Armand Jaminet, pour la somme de quatre mille francs.

Le 23 novembre 1906, M. et Mme Henri Lincé-Dardinne comparurent devant Maître Jean-Baptiste Lefebvre, pour vendre à M. l'abbé Alfred du Pont d'Ahérée une prairie dotée d'une carrière de 37,10 ares. Le montant de cette transaction s'éleva à mille six cents francs.

Au total, selon les actes notariés, la propriété acquise par les Frères Jésuites mesurait 1 ha 22,53 ares.

C'est donc, en 1907, que l'imposante construction, à laquelle la Communauté des Pères Jésuites donna le nom de « Villa des Saints-Anges », fut inaugurée. Le manoir, qui n'abrita jamais de... moines, reçut son appellation en raison d'une statue d'un ange gardien dressée dans une niche située au-dessus de la porte d'entrée. Avant que la bâtisse ne soit démolie, M. Jean Dewez, président de la Fabrique d'Eglise à l'époque, récupéra ladite statue, qui fut placée à l'intérieur de l'église Saint-Nicolas sous le jubé. Malgré cette mise sous haute protection, un matin, la statue fut retrouvée en mille morceaux sur le sol.

« Le Château des Moines » fut édifié par la « Province » de la Compagnie de Jésus pour devenir un sanatorium. Celui-ci devait accueillir les Pères Jésuites souffrant de la tuberculose, maladie fréquente à l'époque. Le bon air de Stembert était alors reconnu par les médecins, qui conseillaient aux personnes fragiles des bronches et des poumons d'y résider.

Toutefois, le domaine allait plus souvent servir comme maison de repos pour les Pères de Verviers. Ainsi, chaque semaine, ceux-ci quittaient la rue de Rome pour rejoindre à pied les hauteurs de Stembert en vue d'y passer une journée de détente.

Durant la première guerre mondiale, le Château des Moines abrita des familles herviennes qui avaient dû fuir leur cité détruite par les soldats du Kaiser.

Ce n'est qu'en 1923 que le domaine du Château des Moines devint la propriété du Collège Saint-François-Xavier. Le 12 mai, devant Maître W. Cuyt, notaire à Gand, les Pères Jésuites de la Compagnie de Jésus, copropriétaires indivis de différents biens à Verviers et à Stembert, déclarent transférer leur propriété à l'ASBL « Collège S.F.X. », fraîchement constituée. Cette concession se fit suivant un acte sous seing privé, rédigé le 16 avril 1922, à Stembert, concernant la propriété située au lieu-dit « Le Chaineux ». Cette propriété comportant une maison de campagne avec jardin et dépendances pour une superficie de 1 ha 22 a 96 ca. Entre les deux actes de 1906 et 1923, la superficie du domaine fut accrue d'une superficie de 0,42 ares.

Le Collège S.F.X. fit encore une dernière acquisition, en achetant le 22 février 1927, pour la somme de onze mille francs, un terrain de 32 ares sur le Chaîneux, joignant le parc. Ce terrain fut mis en vente publique par la Commune de Stembert, représentée par MM. Lambert Damseaux, Bourgmestre, Mathieur Dozot et Pierre Lemarchand, échevins.

Ce nouvel achat de terrain porta donc la superficie du domaine à 1 ha 54 a 96 ca. Une partie de la propriété s'appela « La Bruyère » (aujourd'hui, le petit bois situé à l'arrière de la propriété). Le Père Piet Van den Bosch y avait tracé une promenade qui serpentait à travers les bruyères, les myrtilles et les noisetiers. Il avait aménagé un sentier agrémenté de petites cavités aménagées dans les murs qui le bordaient. Ces talus empierrés étaient également garnis de fleurs.

Dans le magnifique parc, qui n'est malheureusement plus que rarement entretenu par la Ville de Verviers, subsistent encore différentes espèces d'arbres, dont des hêtres rouges. Il s'y trouvait également une source, tarie de nos jours.

En sa séance du 23 avril 1970, le Conseil communal, à l'unanimité, décida notamment d'acquérir les immeubles sis à Stembert, au lieu-dit « Chaineux », ayant une contenance total de 1ha. 54 a 96 ca., appartenant à l'ASBL « Collège St. François-Xavier », pour cause d'utilité publique (création d'un parc public), pour le prix d'un million quatre cent mille francs.

La propriété fut revendue devant le notaire Boland, le 22 mars 1971 à la commune de Stembert. Suite à la fusion des communes, le domaine passa à Verviers.

Le château n'étant plus entretenu, il fut détruit par les pelleteuses - au grand dam des Stembertois - fin février 1994. Seule la conciergerie (occupée à l'époque par M. et Mme G. Mergelsberg jusqu'en 1963, puis par M. et Mme Leclercq) constitue encore le dernier vestige architectural du site.

Une stèle fut inaugurée le 26 novembre 1994 en mémoire du Château des Moines, en présence du révérend Père Van der Biest. Ce dernier fréquenta les lieux durant de longues années et se vit remettre le témoin retrouvé lors de la démolition du manoir.

Cette pierre commémorative, taillée et gravée par M. Marcel Generet, était ornée de la croix qui dominait la chapelle. Elle fut sauvée à l'époque par l'abbé Joseph Bodeson. Malheureusement, à la suite d'actes de vandalisme, il fut décidé de la mettre à l'abri.

Afin de perpétuer le souvenir du Château des Moines, une exposition se tint le dimanche 28 août 1994 dans les salles de l'ASBL Chanteloup. Ce fut l'occasion pour les anciens Stembertois, qui avaient très bien connu les lieux, de partager leur réminiscence avec la population.

De nos jours, les promeneurs peuvent encore profiter d'un parc qui mériterait vraiment un meilleur sort. La Ville de Verviers pourrait éventuellement rafraîchir les allées tracées il y a une quinzaine d'années, aujourd'hui disparues par manque d'entretien ; semer de nouvelles pelouses ; créer un jardin,... Certains arbres devraient également être taillés. On pourrait peut-être aussi replanter certaines essences et pourquoi pas y créer un arboretum en souvenir des Pères Jésuites qui avaient embelli les lieux en plantant des arbres et en cultivant des fleurs.

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